Le Cuy, cobaye géant

Qu’est ce qu’un Cuy ?

Normalement, le mot “cuy” (prononcer “kouï”) est le terme local utilisé par les habitants des régions andines pour désigner les cochons d’Inde qu’ils consomment traditionnellement depuis plusieurs centaines d’années. Le cuy est d’ailleurs un plat du dimanche très recherché, très nutritif et un animal de boucherie ou de basse-cour élevé à grande échelle. Qui sont donc les “vrais” cuyes ? D’où viennent les cuyes européens ?

Récapitulons :

  • Cuy andin : Cavia porcellus, cobaye de 1 à 4 kg, élevé pour sa chair
  • Cuy européen : Cavia porcellus, cobaye géant de 2 à 4 kg, importé en Europe en tant que “nouvelle race” pour les concours
  • Cochon d’Inde : Cavia porcellus, cobaye de compagnie d’environ 1 kg

En fait, la différence entre les cobayes domestiques, les cuyes andins et les cuyes européens, c’est seulement la taille. Ces 3 variétés font toutes parties de l’espèce Cavia porcellus.

Le mot cuy désigne donc les cochons d’Inde élevés pour la chair par les populations des régions andines. Il existerait deux catégories de cuyes : les traditionnels cobayes que nous connaissons, pesant environ 1 kg, et les “gros cuyes” pesant plus de 2 kg. Selon certains spécialistes, l’élevage de gros cuyes n’aurait commencé à se développer il y a une trentaine d’années seulement. Malheureusement, il est difficile de savoir ce qu’il en est exactement, car les gros cobayes ont toujours existé dépuis des siècles. Dans tous les cas, dans cette partie du monde, le mot cuy désigne à la fois les cobayes “normaux” et  “géants”.

Pour les fermiers du Pérou, d’Equateur et de Bolivie, les cuyes sont des animaux de boucherie très rentables, qui se contentent de peu, sont faciles d’entretien et rapportent assez d’argent pour nourrir une famille. Ils sont aussi beaucoup plus rentables et nutritifs que les bovins.

Il faut savoir que pour toutes ces raisons, l’élevage des cuyes ne date pas d’hier (voir l’article sur la domestication dans la rubrique “Origines et Histoire”). En effet, toujours aujourd’hui, beaucoup de familles élèvent toujours des cuyes dans leur cuisine, et ceux-ci sont logés dans des cuyeros(sortes de petis enclos en terre cuite, souvent en forme de chateau) et se nourrissent des restes de légumes, d’alfalfa et d’épluchures. Un cuy andin doit produire 1 kg de viande à l’âge de 4 mois, et environ 4 kg à l’âge adulte !

On estime que 36 millions de cuyes sont consommés chaque année. Plusieurs races ont été développées :

  • Le Cuy Criollo, élevé à grande échelle dans les fermes, l’animal à l’origine maintenu par les Indiens.
  • Le Cuy Mejorado, qui est une race “améliorée”
  • Le Cuy Macahuaslan : un “super-cuy”, croisement entre le Cuy Criollo et le Cuy Mejorado.

En Amérique Latine, les fermiers font aussi la distinction entre différentes sous-catégories de cuyes : le “bracoïde” et le “brevilineo” qui présentent leurs propres caractéristiques.

  • Le bracoïde possède un corps allongé, une tête pointue, développe peu de muscles mais beaucoup de graisse.
  • Le brevilineo a une tête en forme de prisme, des pattes plus courtes, une forme bien ronde surtout en largeur et se rencontre surtout dans les hautes contrées andines.

 Les cuyes de races sont parfois croisés avec des cuyes ordinaires, ce qui donne des cuyes mestizos. Les cuyes andins peuvent avoir des couleurs et des types de poils différents, comme nos cobayes de compagnie européens, mais ce n’est pas un critère important, car ne l’oublions pas, ce sont des animaux destinés à la consommation.

De ce fait, on élève surtout des cuyes de couleur claire (généralement blancs, roux ou crême), dont la chair a un aspect plus plaisant à l’oeil. Cependant, les cuyes de couleur foncée sont aussi utilisés, mais plutôt dans les rituels et les cérémonies (sacrifices), par les curanderos dans la médecine populaire et les offrandes traditionnelles. Il arrive parfois qu’on les consomme, mais seulement “pour ne plus souffrir d’arthrite”. Lorsque des cuyes andins présentent des caractéristiques amusantes, ils sont alors vendus en tant qu’animal de compagnie ou réservés comme mascottes pour les enfants du village.

Pourquoi les sud-américains mangent toujours du cuy ? Tout d’abord, il faut savoir que dans les Andes, les seuls animaux que l’on peut domestiquer sont les camelidés de la même famille que les lamas (guanacos, alpacas, vigognes…) et les cochons d’Inde (cuyes). Les camelidés sont utilisés pour le poil, le lait et le transport… et les cuyes devinrent donc une des première source de protéines pour les sud-américains depuis de nombreux sièces.

Ensuite, le cuy est une des meilleures viandes qui existe. La viande de cuy contient plus de protéines (21%) que le boeuf (17,5%), le porc (14,5%) ou le poulet (18,3%) et est beaucoup moins grasse ! Pendant longtemps, les sud-américains n’ont donc eu que le cuy comme principale source de protéines. Aujourd’hui encore la consommation de cuy est très ancrée dans leur culture.

Les cuys européens

Les cuys européens sont aujourd’hui plus connus sous le nom de “cobayes géants” ou”cobayes géants européens”. Ils proviennent pour la plupart d’élevages allemands, hollandais et belges. A la naissance, les cobayes géants pèsent environ 100 à 150 g de plus que les cobayes ! Les jeunes cuyes atteignent déjà le poids d’1 kg à l’âge de 2 mois et demi à 4 mois ! Ils continuent de grandir jusqu’à l’âge de 2 ans, c’est à dire beaucoup plus tard qu’un cobaye normal. Ils prennent facilement 400 g entre l’âge d’un an et de deux ans ! Leur ossature est beaucoup plus massive, tout comme leur poil, qui serait plus rêche. En France, les plus gros cuyes pèsent environ 3 kg, et ceux de la variété “Cuye Cobayos” peuvent mesurer jusqu’à 50 cm de long et atteindre un poids maximal de 4.65 kg !

Curieusement, on retrouve des cas fréquents de polydactylie chez les cuyes (présence de doigts surnuméraires) comme on peut le voir sur la photo ci-contre, où on peut compter 6 ou 7 doigts à chaque main au lieu de 5. Malgré le fait que cette particularité ne soit pas un critère sélectionné par les éleveurs, elle n’est pas du tout gênante, car les doigts ne sont pas “flottants”, mais bien attachés à la main et fonctionnels (pas de risque de blessure, de nécrose, etc…).

Il semblerait que les cuyes soient plus craintifs et “rustiques” que les cobayes (plus “rudes”), et que leur espérance de vie ne dépasse pas les 4 ans. Ils seraient aussi moins prolifiques.

Pourquoi les cuyes européens sont-ils plus petits que les cuyes andins ? Premièrement, il faut prendre en compte le facteur climatique : dans les régions andines, en pleine montagne, les températures peuvent être beaucoup plus froides qu’en Europe, et les écarts de températures entre le jour et la nuit beaucoup plus grands. Les animaux les plus gros sont donc les plus résistants car ils sont plus aptes à conserver la chaleur. Ensuite, il ne faut pas non plus oublier que les fermes à cuyes produisent ces animaux à grande échelle. Ainsi, il est plus facile de sélectionner des grands cuyes au sein d’un groupe de 10 000 individus que dans un petit élevage ! Pour finir, cuyes andins et cuyes européens ne recoivent pas la même alimentation.

Les expertes témoignent

Carole Kühne (plus connue sous le pseudo de Crolle), éleveuse de cobayes en Belgique, se souviendra toujours de sa première rencontre avec un cuy : “c’était lors d’une petite expo à Bruxelles, il y a deux ans. Lorsque je me suis approchée de ce cobaye à la taille impressionnante, il a hurlé et s’est agrippé aux barreaux de la cage ! Ca m’a vraiment fait mal au coeur ! C’est à croire que les cuyes se souviennent qu’ils ont au départ été élevés pour la consommation humaine…”

Comme l’a constaté Carole, le cuy est un animal très peureux. C’est qu’à l’origine ce n’est pas un animal de compagnie, il est encore très sauvage. C’est également l’avis de Virginie Votquenne, éleveuse de cuyes en Belgique depuis 2 ans : “les cuyes sont aussi gentils que les cobayes, mais il faut plus de patience pour les apprivoiser. Leur nervosité s’explique aussi par le fait que les éleveurs allemands et hollandais – d’où la majorité des cuyes européens sont originaires – maintiennent leurs cuyes dans des grands enclos où ils ne sont guère manipulés. Ils ne sont donc pas habitués aux humains.”

Le cuy vivrait donc moins longtemps que le cobaye ordinaire : au départ, ils n’ont pas été élevés pour vivre longtemps (… mais pour être mangés…) ! Mais s’ils ont une vie sans stress, je suis sûre qu’on peut garder des cuyes presque aussi longtemps que des cobayes”, explique Virginie.

Dernier détail, et pas des moindres, il semblerait que, selon Virginie, le cuy crie beaucoup et pour pas grand chose… Le bruit qu’ils émettent est en rapport avec leur taille : de vrais cochons qu’on égorge ! Leurs ronronnements sont assez forts aussi.

Pourquoi choisir un cuy plutôt qu’un cobaye ordinaire ? “Je trouve le cuy fort intéressant et très étrange”, affirme Virginie. “Quand j’ai vu mon premier cuy lors d’une exposition, j’ai tout de suite craqué.” Carole reste plus réservée : “élever des cuyes ne me tente pas. J’ai du mal à me faire à leur caractère. Et il me faudrait beaucoup plus de place car ils ont besoin de très grandes cages.”

Beaucoup de particuliers qui aiment et connaissent bien les cochons d’Inde aimeraient avoir des cuyes. Hélas à moins de contacter directement des éleveurs allemands et hollandais et de se rendre sur place, il faut compter un délai d’attente très long, car il y a encore très peu d’éleveurs proposant des cuyes en France et même en Belgique. Par ailleurs, ils ne possèdent pas un nombre suffisant de cuyes pour avoir en permanence des jeunes disponibles à la vente. Il n’y a qu’à se fier aux dires de Virginie : “j’ai énormément de demandes. Le délai d’attente pour avoir un cuy varie entre quelque mois et 1 an, selon les exigences (couleur, longueur du poils, etc…).”


Photo : Wee Companions

Marie-Sophie Germain

Auteur et journaliste spécialisée en Nouveaux Animaux de Compagnie - 30 Millions d'Amis - NAC Magazine (www.nac-magazine.com) - Editions de Vecchi - Editions Rustica/Fleurus